Je repense de temps à autre à l’Australie. Je n’y peux rien, ça fait partie de mon parcours et je l’évoque lorsque je me présente, qu’on me demande d’où je viens.
J’en parlais avec Zamba, le luthier et musicien (voir lien). Il était curieux de ce pays. Il n’imaginait pas que les aborigènes étaient si mal traités et qu’il s’agit d’un génocide.
Mon père me demandait récemment si je ne voudrais pas retenter ma chance là-bas. Je n’ai pas réfléchi quand je lui ai répondu non car je pense que la blessure est encore trop fraîche et les politiques d’immigration encore trop bornées. Bien que j’ai « gobé » la nouvelle et ses conséquences pas si mal et rapidement, il me reste trop d’amertume par rapport à cette expérience. C’est comme un deuil, le deuil de ma vie en Australie.
J’ai laissé et ai dû renoncer à tellement d’opportunités. Et ce qui me crève bien plus le cœur, c’est d’avoir dû dire adieu/au revoir à la famille et aux amis. Je ne sais même pas comment j’ai survécu à ça.
Réflexion sur le statut de Tana et autres habitudes indécrottables
J’ai lu dans plusieurs ouvrages et articles qu’Antananarivo était partagée concernant son statut, qu’elle oscillait entre urbaine et paysanne. Compte-tenu de la très forte migration de paysans venant sur Tana, dans l’espoir d’avoir du travail, ça se comprend.
Du coup, certaines pratiques ou habitudes, ne sont pas adaptées à ce nouveau milieu. Mais comment blâmer des personnes qui ont des pratiques bien ancrées et surtout à qui ont à jamais appris à faire autrement ?
De façon plus générale, pour tous les humains, qu’ils soient de l’océan Indien ou ailleurs, comment défaire une habitude ? Comment certaines personnes acceptent-elles de changer leurs habitudes ?
Concernant l’hygiène (je reviens là-dessus car c’est une question de vie ou de mort ici) et le respect d’autrui, quel élément changera une habitude qui propage des germes ? Une campagne de sensibilisation suffira-t-elle ? Dire à une personne que ses pratiques sont lourdes de conséquences, lui mettre des textes, des icônes sous le nez, suffira-t-il à ce qu’elle se lave systématiquement les mains, qu’elle évite de toucher les aliments crus (ou même cuits) avec ses mains (même lavées), qu’elle utilise une cuillère pour goûter un plat et puis la remette dans le plat ? Mais ceci est un peu réducteur car il y a par exemple un parent qui ne voudra pas contaminer son enfant et comprendra de lui-même que lécher un couteau puis couper un morceau dans un plat commun est dangereux et que ce geste réduit la durée de conservation du produit, les germes se développant rapidement. Toujours et encore, je crois au respect d’autrui comme vecteur de « développement » (ce mot est trop galvaudé). Peut-être que ce parent se sent concerné par le bien-être de sa famille. On pourra me taxer d’idéaliste mais je crois aussi au fait de se sentir concerné par tout et par tous.
Quel a été le plus grand facteur de changement chez moi-même ? Je répondrais l’éducation et le choc (notamment lors de l’exercice du journalisme). Mais peut-être qu’il n’y a pas qu’une réponse et que le cheminement a été long, a mûri comme un fruit.
Le stage, épreuve du feu de la vie professionnelle débutante
Nous recrutons des stagiaires au Centre de Presse Malagasy. Certains d’entre eux étaient timides mais l’un d’entre eux était carrément terrorisé ! Ça m’a fait repenser à l’époque où je cherchais un stage en journalisme à Paris. C’était infernal ! Je me déplaçais et on me disait toujours que les gens étaient en réunion alors que je les voyais passer derrière l’accueil. Qui pouvait prendre le risque de recruter une jeune « potentielle maghrébine/pakistanaise/origine-inconnue mais pas européenne » d’une école de journalisme peu connue et qui n’était fille de personne ? Je me rappelle aussi à quel point j’étais tremblante au début de mes stages à RFO (maintenant connue sous le nom de Réunion Première). Il faut dire que certains « journalistes » ne me ménageaient pas… Je me souviendrais toujours d’un pigiste qui m’a dit le premier jour : « Ne crois pas que ce que tu feras sera diffusé, hein ». Manque de pot pour lui, tout ce que j’ai fait par la suite a été diffusé, même en national, pendant mon stage. Puis lors de mes autres stages ailleurs… Oui, ceci est un message à tous les stagiaires : ayez confiance en vous, ne vous laissez pas intimider par le personnel aigri et surtout, sachez apprécier le temps qu’un bon tuteur de stage prend avec vous.
Les grands principes
Je n’oublierai jamais lorsqu’un jour, quelqu’un m’a dit avec la plus grande candeur et franchise qu’il soit : « Mais en fait, tu fais vraiment ce que tu dis, toi ! »
A l’époque, je n’avais pas perçu la portée de cette remarque. En effet, être en accord avec ses principes n’est pas si répandu et pis encore, l’application des dits principes.
Je n’oublierai pas non plus une discussion avec un ami en Australie. Il déplorait que le fait d’avoir eu des enfants et que la vie quotidienne aient engloutis ses principes des années 70 : la révolution, la solidarité, l’écologie… On sait mais on est « empâté » dans la vie.
Encore une fois, je m’interroge sur l’origine de la détermination de certains. Dans une société où plus rien n’est grave, tout peut être remis à plus tard, où les adulescents (et grands enfants) sont légions et où la technologie sauvera de toute façon le monde, que se passe-t-il dans la tête de ces personnes qui défendent et vivent leurs valeurs ? Pourquoi ne se réfugient-ils pas derrière le manque de temps, la fatigue, la paresse, le fatalisme, comme tous les autres ? Pourquoi ne se laissent-ils pas happer par l’indolence générale ?
Pourquoi l’ivresse de faire des effets de manche, des effets d’annonces m’est-elle si étrangère ? En réalité, l’apathie m’indigne profondément. Et lorsqu’elle se généralise à un pays entier, c’est un enfer…
Retour aux révisions
Je reviens sérieusement aux révisions pour mon examen du DAEFLE. Je consulte maints forums et vais peut-être pouvoir profiter d’un parcours d’observation à l’Alliance Française d’Antananarivo. J’ai choisi l’option Adultes peu ou pas scolarisés ; la formation pour adultes m’intéresse beaucoup. On n’apprend pas de la même façon à différents âges. Sans compter la durée d’assimilation.
Je continue de prendre des cours de malgache avec un professeur particulier avec mes colocataires. Elle a une approche qui s’apparente à l’approche actionnelle que j’étudie en Français Langue Etrangère (FLE).
Musique maternelle
J’ai vu « Orfeu Negro » de Marcel Camus, un emprunt à l’Institut Français de Madagascar (IFM). Il y a longtemps que je voulais le voir.
Bien que je sois née à la Réunion, pur fruit de l’océan Indien avec une mère yab et un père mauricien, j’ai été élevée au son de la bossa nova. Mon père a toujours aimé, joué et m’a fait écouter cette musique depuis mon enfance. Mon oncle était un guitariste de bossa hors-pair. Lui non plus n’était pas un carioca mais aimait simplement cette musique. Son rêve était d’aller au Brésil, de rencontrer et de jouer avec des guitaristes là-bas. Hélas, il n’a pas pu accomplir son rêve. Il est décédé d’un cancer.
Mais cet amour de la guitare, des mélodies lascives et mélancoliques, m’a été transmis. Comme ma langue maternelle a été le français, la bossa nova a été ma musique maternelle. Je n’ai pas été bercée par la langue créole ni le maloya _hélas_ et l’explication de cette situation vaut un article entier, un thème que je développerais par la suite.
J’ai beaucoup aimé « Orfeu Negro » et sa fragile beauté. J’ai été très touchée d’être ramenée ainsi dans un univers que je connais et que je ne connais pas du tout.
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Thierry (lundi, 19 septembre 2016 15:00)
C'est bien ton blog.....
Kevin (samedi, 01 octobre 2016 18:11)
Oui extraordinaire... XD